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Déluge à Cordoue 

Cordoue, une ville où l’histoire et la sensualité se mêlent dans l’air chaud de l’Andalousie. Ce jour-là, je pénètre dans le Hammam Al Andalous, un lieu où le temps semble s’être arrêté. Mon mari, écrivain, est parti pour un salon littéraire à Madrid, et j’ai décidé de profiter de cette absence pour m’offrir un moment de détente à moi. Pourtant, alors que je m’allonge sur la table de massage, je ne peux m’empêcher de penser à lui. Il me manque, et cette pensée m’effleure l’esprit tandis que j’attends ma masseuse habituelle, une femme douce et expérimentée. Mais aujourd’hui, c’est un jeune homme qui entre, son visage angélique et son corps athlétique me surprennent. Je rougis de timidité mais ne fais pas de remarques sur l'absence de ma masseuse habituelle. Mon mari n'en saura rien, alors il n'y a pas de mal à profiter de ce changement, après tout, je n'y suis pour rien. Il a des mains expertes, et dès qu’il pose ses doigts sur ma peau, je sens un frisson parcourir mon corps. Je résiste à la tentation, mais mon esprit vagabonde, imaginant des caresses plus intimes. Le bruit de l’eau qui coule dans le hammam se mêle à celui de la pluie qui commence à tomber dehors, un déluge soudain qui semble refléter la tempête intérieure qui m’agite.

Alors que je me laisse aller sous les mains du jeune masseur, mes pensées s’emballent. J’imagine qu’il me caresse longuement la poitrine, ses doigts traçant des cercles lents autour de mes seins, puis descendant vers mes fesses, les massant avec une force douce et insistante. Je fantasme sur l’idée d’un massage tantrique, où chaque toucher serait une exploration sensuelle, une invitation à m’ouvrir complètement. Je sens mon corps réagir, ma respiration s’accélérer, et je me surprends à désirer ardemment qu’il touche mon sexe, qu’il me fasse vibrer jusqu’à l’extase. Je veux aussi le caresser, sentir sa peau sous mes doigts, explorer son corps comme il explore le mien. Je sens que je m’ouvre, que je suis toute mouillée, et cette pensée me fait frémir et rougir de nouveau.

Le jeune masseur, attentif à chaque réaction de mon corps, semble captiver par ma pilosité. Il admire mon pubis brun à la fente humide, mes petites lèvres serrées, un détail intime qui semble l’intriguer et l’attirer. Ses doigts, d’abord prudents, deviennent plus audacieux, effleurant délicatement cette zone sensible. Je sens son regard sur moi, un mélange de curiosité et de désir, et cela ne fait qu’amplifier mon excitation. La chaleur de ses mains contraste avec l’air frais du hammam, et je me laisse aller à cette exploration silencieuse, savourant chaque frisson qu’il provoque en moi.

Le jeune masseur joue savamment de ses doigts et de l’huile, explorant ma poitrine, mon ventre et chaque pli intime avec une précision qui me fait frémir. Ses mains glissent entre mes cuisses, caressant doucement mes lèvres, puis s’aventurent plus profondément, cherchant à me faire réagir. Je sens mon corps répondre à chaque toucher, ma respiration s’accélérer, je retiens à grand peine quelques soupirs et je me surprends à désirer ardemment qu’il aille plus loin. Je regarde dans le miroir de la salle, voyant son visage concentré, ses yeux sombres fixés sur mon corps. Je devine son érection sous son jogging, une bosse prometteuse et tentante que je n’ose toucher, mais qui ne cesse d’attirer mon regard. Je sens que je suis au bord de l’orgasme, mais je me retiens, savourant chaque instant de ce massage sensuel, j'ai l'impression de vivre l'un des récits érotiques de mon mari. La pluie redouble de violence, mais je suis dans ma bulle, emportée par mes fantasmes. Le jeune masseur semble sentir mon excitation, ses mains devenant plus insistantes, plus intimes. Je ferme les yeux, me laissant aller à l’instant, savourant chaque sensation et ne dis rien quand il me fouille de ses doigts, tandis que je m'arque boute en un spasme de plaisir, crispée sur sa main. Le massage terminé je finis par me rhabiller, remercie le jeune homme avec un sourire timide, et sors sous la pluie battante, les jambes encore flageolantes. Le parking de la Rivera est proche, mais l’eau monte rapidement. Le Guadalquivir, le fleuve qui traverse Cordoue, déborde, et les rues se transforment en torrents. J’avance avec difficulté, mes pieds glissant sur le sol mouillé, jusqu’à ce que j’atteigne enfin ma voiture. Mais le chaos règne : des gens paniqués courent dans tous les sens, et l’eau continue de monter. Je décide de quitter ma voiture et de chercher refuge dans un escalier de secours.

Je grimpe les marches, mes vêtements trempés collant à ma peau. Je m’accroche à la rambarde, essayant de garder mon équilibre sur les marches glissantes. Parvenue au palier ma chaussure s'accroche à une grille de canalisation et dans l'affolement je ne parviens pas à la défaire et me débloquer. L’eau monte rapidement, atteignant mes chevilles, puis mes genoux. Je crie à l’aide, mais le vacarme de la pluie et des voix paniquées couvre mes appels. Un jeune pompier me repère enfin. Il plonge dans l’eau glacée pour me libérer, mais mon pied est solidement coincé. L’eau continue de monter, atteignant maintenant ma taille. Ma jupe flotte autour de moi, et je sens l’eau glacée pénétrer mes vêtements. Je suis terrifiée, claustrophobe, et l’angoisse m’étreint. Le jeune pompier, déterminé, essaie encore et encore de me libérer, mais en vain. L’eau monte toujours. Dans un geste désespéré, alors que les flots ont dépassé nos têtes, le pompier m’apporte de l’air en m’embrassant, un baiser qui mêle urgence et tendresse. Je sens son souffle chaud contre mes lèvres, un contraste saisissant avec l’eau glacée qui m’entoure. Finalement, après plusieurs tentatives, il parvient à dégager mon pied. Nous nageons plus haut, nous réfugier sur le palier suivant. Je tombe dans ses bras, épuisée mais soulagée. L’adrénaline, la peur, et la chaleur de son corps contre le mien me laissent dans un état de vulnérabilité et de gratitude intense. Je le regarde, incapable de trouver les mots pour le remercier. Nos yeux se croisent, et dans ce moment de chaos, une connexion profonde semble se créer.

Plus haut dans les escaliers, une jeune, très jolie, se tient à l’abri de la montée des eaux, observant la scène avec une intensité croissante. Sa blondeur naturelle contraste avec la brune en contrebas.

Mes cheveux, mouillés par la pluie, collent à mon visage, et mes vêtements trempés moulent mon corps. Le sauvetage de la femme brune par le jeune pompier commence à prendre une tout autre tournure. Ils sont en train de s'enlacer et de s'embrasser. Je sens une chaleur monter en moi, et sans pouvoir résister, je commence à me caresser les seins à travers mon chemisier mouillé. Mes doigts glissent ensuite vers mon sexe, cherchant à reproduire les gestes que je vois la brune faire. J’imagine que ce sont les doigts du jeune pompier qui m’explorent, et un frisson de plaisir parcourt mon corps. Je voudrais être à sa place, sentir ses mains fortes sur moi, être touchée avec la même passion.

Je glisse deux doigts à l’intérieur de moi, sentant ma propre humidité me couvrir les doigts. Je les enfonce plus profondément, cherchant à atteindre ce point sensible qui me fait trembler. Mes mouvements deviennent plus rapides, plus insistants, et je sens mon corps réagir avec une intensité croissante. Je me mord la lèvre, essayant de retenir les gémissements qui menacent de s’échapper. Mes doigts continuent leur danse, alternant entre des mouvements lents et profonds et des caresses plus rapides et légères. Je sens mon plaisir monter, un mélange de sensations qui me submerge.

La brune, quant à elle, semble emportée par une vague de désir irrépressible. Elle se penche lentement, ses yeux sombres fixés sur la braguette du jeune pompier. D’un geste sûr, elle défait la fermeture éclair, libérant sa verge vigoureuse, déjà tendue par l’excitation. Elle hésite un instant, puis glisse ses lèvres autour de lui. Le jeune homme laisse échapper un gémissement étouffé, sa main se posant doucement sur sa nuque, l’encourageant sans un mot. Elle commence à le sucer avec une lenteur calculée, savourant chaque réaction de son corps. Ses mouvements sont à la fois doux et déterminés, alternant entre des caresses profondes et des léchages légers sur le gland sensible.

Elle prend son temps, savourant chaque instant, chaque gémissement qu’elle arrache à ce beau sauveteur. Ses lèvres enveloppent sa longueur avec ferveur, ses mains explorent le reste de son corps, cherchant à le faire frémir sous ses doigts. La respiration du pompier s'accélère, ses hanches bougent légèrement, comme s’il cherchait à approfondir chaque mouvement. Elle ralentit, puis reprend plus rapidement, jouant avec lui, le faisant attendre, puis le comblant d’un coup. Le jeune pompier, les yeux fermés, laisse échapper des soupirs rauques, ses doigts s’enfonçant légèrement dans ses cheveux. Elle sent qu’il est sur le point de céder, mais elle ralentit encore, prolongeant ce moment de plaisir intense.

Mais alors qu’elle sent qu’il est sur le point de jouir, le jeune pompier la saisit par les épaules et la fait se retourner avec une douce fermeté. Il soulève sa jupe trempée, exposant son fessier à l’air frais de la nuit. Elle sent ses mains chaudes sur ses hanches, puis la pression de son corps contre le sien. Sans prévenir, il la pénètre avec une fougue qui la fait crier de surprise et de plaisir. Elle s’accroche à la rambarde de l’escalier, ses doigts serrés sur le métal froid, tandis qu’il la prend avec une intensité croissante. Chaque poussée la fait frémir, et elle sent son propre désir monter en flèche.

Je ne peux détacher mon regard de la scène. Mes doigts continuent de me caresser ma minette avec frénésie, mais maintenant, j’imagine que c’est moi qui suis pliée en deux, sentant la force du jeune pompier en moi. Je me vois à la place de la brune, mes mains agrippées à la rambarde, mon corps secoué par chaque mouvement. Je me pince les seins, mes mouvements deviennent plus rapides, plus insistants, comme si je pouvais atteindre le même plaisir simplement en les regardant.

La brune, quant à elle, s’abandonne totalement à l’instant. Elle sent la puissance du jeune pompier en elle, chaque poussée, chaque coups de reins, la rapprochant de l’extase. Elle crie son plaisir, ses doigts serrés sur la rambarde, tandis qu’il la prend avec une intensité qui la fait trembler. Le jeune homme, les muscles tendus, murmure des mots incohérents, laissant échapper un dernier avertissement avant de céder à l’extase. Elle sent son propre orgasme monter, un mélange de plaisir et de soulagement qui la submerge.

De mon côté, j’atteins mon propre paroxysme, les yeux rivés sur eux, mon corps secoué par des vagues de plaisir. Je me sens à la fois excitée et frustrée, souhaitant ardemment être à la place de la brune, mais savourant néanmoins ce moment de voyeurisme intense. Dans un mélange de souffles haletants et de pluie battante, chacun est emporté par son propre tourbillon de désir, nous avons chassé l’ombre de la mort et notre peur intense. La brune, épuisée mais comblée, se laisse aller contre le jeune pompier, tandis que, toujours perchée dans les escaliers, je contemple la scène touchante avec un mélange de jalousie et de fascination.

 

Éveil (extrait d'un roman en cours de rédaction)

Les sensations d’un réveil confu étaient toutes présentes. Ces symptômes voyaient le jour à mesure que l’état de conscience émergeait, bourdonnements, envie sourde et latente d’uriner, des acouphènes passant du grésillement au sifflement. Les paupières lourdes peinaient à se soulever, elles semblaient un papillon tentant de déployer ses ailes au sortir de sa chrysalide. Puis la lumière crue des spots annonçant la fin du parcours en livre immersif acheva d’essorer ses derniers souvenirs en une ultime torsion de la réalité, titubante et fébrile Linarose s’extirpa du compartiment du “train des rêves”, l’attraction la plus prisée du parc d’attraction du vaisseau. Un arrière goût encore indéchiffrable alourdissait sa langue et le tangage ressenti figurait parmi la liste des effets secondaires qu’elle parvenait à déchiffrer sur les écrans mouvants du couloir la dirigeant vers la sortie.

Mécaniquement, elle allait rejoindre le flot des “éveillés”, ceux qui avaient en charge le reste de la journée. Celle-ci consistait à s'occuper des “endormis”, pour les uns, veiller à leurs constantes vitales, leur alimentation, leur production d'ondes cérébrales et la qualité de ces dernières. Pour les autres, il y avait l'entretien du vaisseau, sous toutes ses formes, le traitement des déchets, comme celui de la maintenance, les réparations mineures et les actions préventives. Il y avait également l'entretien des animaux et insectes divers, car le vaisseau était une arche de Noé à vocation scientifique mais également un ultime témoignage de ce qu'avaient été les derniers occupants de la terre avant la sortie du système solaire. Tout cela était maintenant de l’histoire ancienne, presque de la mythologie. Les nouvelles générations cependant, par ennui, le fameux “c’est encore loin ?” ressenti par les enfants à l’arrière d’un véhicule, se replongeaient volontiers dans les images du passé, car ce monde, d’imprévus, de hasard, de chaos les sortaient de la routine ennuyeuse de la vie dans l’espace.

La journée de relâche de Linarose n'était pas encore terminée. Elle avait encore le temps d'aller au cercle des jeunes pilotes pour rencontrer ses camarades de promotion. Quelle drôle d'idée ? Elle les voyait déjà toute la journée durant ses formations. Non ! Après avoir satisfait sa libido et ses envies d'aventures dans le passé, elle avait plutôt besoin d'une bonne collation, pour se sentir calée, en prise avec la réalité. Son pas s'était affermi depuis la sortie de l'attraction et c'est d'une démarche déterminée qu'elle emprunta le couloir des échoppes de restauration rapide ou plus traditionnelle. Les façades aux peintures d'images vantaient les menus et la décoration des lieux, le son était interdit pour ne pas générer de la cacophonie, mais une pensée du propriétaire des lieux vous parvenait à l'esprit et vous était dédiée : “Bonjour, Linarose finissez votre pause en retrouvant le goût des bonnes choses, vous prendrez bien une de nos spécialités ?” 

Elle s'engouffra dans un petit local “Formules insectes” aux prometteuses brochettes de larves de scarabées géants, aux steaks de vers séchés réhydratés au soja et aux croustillantes sauterelles confites, le tout arrosé d'un cidre de pivoines. Les patates douces de l'espace poussées en serres cosmogoniques étaient succulentes, elle allait pouvoir se sustenter, confortablement assise et consulter mentalement les messages et instructions arrivés dans son terminal frontal. Lina avait pris soin depuis longtemps, lors du paramétrage initial de l'implant de ne pas recevoir de messages publicitaires et s'était contenté de la version basique pour ne pas se sentir débordée ou trop sollicitée durant ces phases d'éveil. Les filets invisibles, capteurs d'ondes cérébrales à destination de la propulsion du vaisseau iraient se servir ailleurs, elle se faisait suffisamment pomper le cerveau durant ces phases de sommeil ou de détente. Le robot serveur venait de lui indiquer où s'asseoir tout en lui vantant les menus de la carte. Linarose indiqua son choix sur le menu déroulant holographique d'un index déterminé.

Hormis une famille de type “reproductrice” aux enfants un peu bruyants, l’établissement n’était pas trop rempli, autant qu’elle pouvait en juger, car ce genre de local présentait une petite façade du côté de la rue couloir mais il s’avérait tout étiré en longueur pour atteindre la circulation parallèle de la précédente, or malgré l’omniprésence des éclairages chaleureux, elle ne parvenait pas à distinguer le fond du restaurant. Les gamins, jeunes, n’étaient pas encore pourvu de leur implant cérébral et disposaient d’une forme de liberté dont ils ne savaient que faire, si bien qu’elle se dissipait en propos souvent insignifiants, drôles et légers. En attendant sa commande, Linarose les observait avec une curiosité toute scientifique, mêlée de crainte dédaigneuse. “Par tous les trous noirs et l’étoile Proxima à portée de main, que je sois préservée de ce genre de descendance” pensait-elle tout en sachant pertinemment qu’elle avait été stérilisée, le jour même de la pose de son terminal frontal… Mais c’était une façon de parler et dédramatiser sa condition d’amazone, pilote, guide serre file et combattante. Comme dans le règne des abeilles ou des fourmis, dans le vaisseau, chacun avait un rôle bien déterminé.

L'emploi du temps de la journée du lendemain venait de lui parvenir, libre à elle de le consulter dans l'instant. Toujours pas de robot serveur en vue, elle s'installa bien au fond de son siège et les yeux mi-clos, pris connaissance de l'agenda. La matinée sera consacrée à une sortie de maintenance à l'extérieur du vaisseau pour un fastidieux et dangereux examen de la coque et repérage des tuiles protectrices endommagées, l'après-midi des cours de prospectives de trajectoires et enfin la cérémonie de départ du Guide Céleste poussée vers une retraite anticipée,  selon les bruits de couloir, à cause des doutes émis sur l’existence d’une planète habitable avant deux Proximas. Ce manque d’optimisme avait suscité la grogne d’une partie des “endormis” qui l’avaient sanctionné durant un rêve collectif de représailles. Le comité de surveillance scientifique du fonctionnement du vaisseau se penchait sur cette problématique “comment anticiper, les rêves collectifs de ce type et éventuellement en atténuer les conséquences ?” car ses décisions, en l’état des règles existantes, étaient souveraines et irrévocables.

02-Réminiscences

Un discret “A votre service”, la ramena à sa table et son menu. Elle essaya de se concentrer sur la décortication de ses brochettes mais quelques flashs de son parcours en livre immersif lui revenaient en tête et elle repensait avec plaisir aux sensations éprouvées durant l’histoire qui lui avait été choisie. Car le vaisseau avait la capacité de vous offrir une expérience sur mesure, tout y était optimisé pour assurer le meilleur rendement de vos cellules grises et s’il avait identifié des manques, il les comblait si bien que vous en ressortiez avec un sentiment de satiété, de joie. Ensuite vous pouviez repartir à la monotonie de vos corvées le cœur léger et heureux à la perspective de poursuivre l’expérience de façon cyclique. Nul besoin de concrétiser, l’objet de votre désir ou de votre besoin car il ne serait jamais aussi idéalement correspondant à la perception que vous en aviez durant le parcours du train des rêves…

Alors, entre deux bouchées de larves de scarabées et une bolée de pivoines, elle repensait extatique, tour à tour, au bel Igor et aux vagues de Nagüeles qu’elle ne connaîtrait jamais. Elle aurait tout le temps d’être concentrée à sa tâche demain. Pour le moment elle profitait de cette douce rêverie amoureuse, lui anesthésiant tout sentiment de frustration, toute velléité de réflexion. Si ce n'était le constat qu'il n'aurait pas été possible au colosse blond de son divertissement, de passer entre les mailles du filet du vaisseau, ce dernier l'aurait repéré et immanquablement signalé sa présence aux volontaires de surveillance. Hormis sortir dans l'espace à l'aide d'une capsule de sauvetage et errer dans l'infinité froide et noire, il n'y avait guère d'alternative. Cela décourageait les actes prémédités. Seuls les coups de sang, fruits des derniers instincts animaux primitifs de lointains ancêtres terriens se manifestaient de façon rarissime et cela était vécu comme un échec par le comité scientifique car ils pensaient avoir sélectionné, échantillonné, les meilleures souches pour les familles reproductrices.

Il y avait eu débat, entre les pairs sur la reproduction naturelle et celle contrôlée d'un bout à l'autre par la science et les machines quantiques, mais finalement, il avait été laissé une part de hasard en offrant “l'opportunité aléatoire” aux groupes humains présents dans le vaisseau afin de ne pas mettre un coup de frein trop brutal à l’évolution de l’espèce humaine. Indifférent aux couleurs de peau, à celle des yeux ou des cheveux, le vaisseau proposait à une proportion d’individus issus des familles reproductrices le choix de leur partenaire. Le vaisseau, malgré sa taille impressionnante, puisqu’il fallait trois jours pour rejoindre la poupe à la proue sur un monocycle, n’était cependant pas extensible. Hormis quelques protubérances ventrues comme en formaient les nœuds sur les troncs des arbres jadis, il n’y avait tout simplement plus assez de matière pour gagner de l’espace vital au vide sidéral.

La seule option possible, hélas temporaire, était de solliciter un chant cosmique de la part des “endormis” afin de créer une bulle protectrice autour du vaisseau et celui-ci pouvait se dilater jusqu'à la jonction de ses tuiles, si bien que celles-ci ne se recouvraient plus à la façon des écailles d'un poisson mais devenaient une espèce de vitrail serti de pure énergie mentale. Par ce biais, la population du vaisseau gagnait quelques précieux mois pour trouver la parade à leur problème d'effectifs et presque naturellement les “endormis” les plus affaiblis, les plus vieux, s'évadaient de leurs enveloppes corporelles pour se muer en pure énergie défensive du vaisseau, c'était le chant du don ultime. Ils partaient sans douleurs, sans regrets, tendus en un seul objectif, la survie de l'espèce, l'amour des leurs. Ensuite les “batteries ultimes”, les dépouilles, étaient déshydratées et brûlées lors de cérémonies collectives de remerciements et du souvenir. L'énergie dissipée par la crémation des corps allait alimenter et chauffer le réseau des couveuses du centre des naissances, si bien que le cycle se refermait dans la joie.

La balle gravitationnelle du plus petit des enfants venait de rebondir sur sa table manquant de tomber à même son plat. Les parents honteux se confondirent en sourires et excuses gênés. Linarose fit un signe de la main et leur rendit leur sourire sans toutefois aller jusqu'à leur adresser la parole. En tant que pilote et scientifique elle mesurait la chance d'avoir une gravité dans le vaisseau. Il s'était écoulé quelques années terrestre avant que ces prédécesseurs ne parviennent à trouver la bonne vitesse de rotation du vaisseau sur lui-même tout en avançant vers Proxima, la lointaine. L'équilibre était fragile entre propulsion et rotation. Cet incident l'avait brusquement ramenée à son travail, alors elle s'efforça de retrouver le fil de ses pensées et la torpeur érotique que lui avait procurée le train des rêves.

En plus du vol de papillons qu'elle ressentait encore de façon ténue, au creux de son bas ventre, sa curiosité prenait le dessus. Comment le vaisseau avait-il capté ses désirs ou fantasmes les plus enfouis ? A moins qu’il ne s’agisse que d'un échantillonnage de propositions pour connaître ses réactions, goûts et aspirations ? Peut-être était-ce une façon d’étalonner son ressenti en la matière par rapport à d’autres congénères ? En même temps comment juger d’une pratique sans l’avoir expérimenté, comprise ? D’un point de vue totalement scientifique, bien sûr, il n’y avait aucun jugement de la part de Linarose, elle était curieuse et les tabous moraux ou religieux ne faisaient pas partie de la mentalité de sa génération. Les lointains fondateurs du vaisseau avaient bannis les religions mais avaient cependant, toléré la Spiritualité, prôné le respect de la Vie sous toutes ses formes et interdit de nommer quoi ou qui que ce soit : Dieu.

03-Quartier des pilotes

L'aîné des enfants, une fille, regardait Linarose avec une certaine admiration, tandis que celle-ci réglait son repas. C'est vrai qu’elle avait fière allure avec son uniforme de pilote et sa coupe un peu stricte, un petit chignon relevant ses cheveux châtains aux mèches blondes, découvrant sa jolie nuque. L’addition se passait le plus simplement du monde, par pensée mutuelle : “ Vous me devez un vol parfait jusqu’à notre lointaine destination” et son invariable réponse  : “J’ai étée honorée de reprendre des forces chez vous” car sur le vaisseau chacun avait une activité pour le bénéfice de son prochain et les notions de rentabilités ou d’enrichissement personnel n’existaient pas. Les parents de la jeune fille partiraient également quelques instants plus tard avec les remerciements du patron pour la transmission qu’ils permettaient en procréant et en élevant les enfants. Pour le moment, Linarose dans son ensemble uniforme près du corps, aux couleurs irisées orange et rouge comme la lave, des étoiles de Skumelon, ressortait de l’établissement et prenait la direction du quartier des pilotes.

Les corridors succédaient aux couloirs et aux intersections les destinations les plus lointaines étaient rappelées sur des enseignes lumineuses ou mentalistes. Parfois un guide de senteurs vous venait en aide si le quartier portait un nom de fleurs ou d'essences particulièrement évocateur. Des places commerçantes ou d'alimentation formaient des nœuds plus importants ou s'intercalaient les entrées des habitations tubulaires superposées en gradins ou disposées en forme de flocon de neige. Les habitats des célibataires n'excédaient pas vingt mètres carrés. Mais ces derniers étaient un concentré d'astuces pour avoir la sensation d'espace. Les concepts de fenêtres ou de balcons avaient disparu en l'absence de lumière en provenance du soleil. Mme Pixel, pilote, était la mention figurant sur l’étiquette réversible de la porte de ce petit logement, coincé entre le rdc d’un commerce et l'ascenseur d’accès aux autres niveaux tubulaires situés au-dessus du sien. Le contrôle rétinien de la porte la salua de la voix douce et masculine d’Eryon, I.A domestique, programmée à l’obtention du logement et finalement retenue après les essais infructueux de Zynar à la personnalité un peu trop froide et factuelle et de Kaelis un brin trop empathique et efféminée pour le goût de Linarose. La porte franchie il y avait des placards et rangements en grands nombre, tout ceux estampillés d’une marque orangée étaient les siens, ceux d’une marque bleue, ceux de sa colocataire “endormie” et la marque marron était dévolue à tout ce qui pouvait être utilisé en commun, indifféremment par l’une ou l’autre habitante.

Elyra Veyra était l’autre patronyme figurant au revers de l’étiquette. Les deux femmes ne se rencontraient qu’à l’occasion de leurs passages de relais et durant une courte période correspondant environ à quinze des anciens jours calendaires terrestre. Elles n’étaient pas contraintes de vivre sous le même toit, il existait des zones relais adaptées aux sorties d’hibernation, mais comme elles s’entendaient bien, elles mettaient ce temps à profit pour échanger au sujet des rêves collectifs ou des potins du vaisseau. Les rotations “éveils-sommeils” rythmaient leur existence suivant une cadence d’environ quatre périodes de cohabitation de quinze jours séparés par deux mois et demi de solitude besogneuse ou de sommeil réparateur. Cette organisation permettait une optimisation de l’espace puisque le volume d’un “contenant” pour “endormi” était celui d’un tube, c'est-à-dire d’un sarcophage de verre de mica teinté aux coussinets moelleux et autonettoyants. Ce brassage continuel entre les “endormis” et les “éveillés” avec de légers décalages entre les promotions permettaient à la fameuse “opportunité aléatoire” d’arriver entre certains individus et former des couples amoureux qu’ils soient fertiles ou non. 

Les familles reproductrices, elles aussi, étaient pliées à cette cadence, mais avec une période raccourcie de quinze jours. Les anciens douze mois terrestres se décomposaient désormais en 3×4 rotations plus lentes, et non plus en 4×3 rotations rapides. Le rythme 6×2 avait été abandonné, jugé trop propice aux erreurs dans la transmission des tâches entre les actifs éveillés et leurs successeurs. En revanche, le 2×6, incluant un mois de recouvrement, était réservé au Conseil des Sages et des Guides Célestes. L’apprentissage et la circulation des informations relatives au vaisseau se poursuivaient sans relâche, même durant certaines phases de sommeil.

« Eryon, prépare-moi une nébuleuse Mocha, s’il te plaît. »  

« Avec plaisir », répondit l’IA domestique. « Toujours sans particules luminescentes ? »  

« Toujours, Eryon. »  

Pendant que le mélange onctueux de cacao galactique et de café, issu de grains cultivés sur un terreau volcanique, coulait dans la tasse, embaumant la pièce unique de ses notes épicées, Linarose défaisait son chignon, son regard capté par le miroir disposé sur la porte d’entrée.  

« Tu as passé une bonne journée, Lina ? »  

Elle ne tolérait ce diminutif que de la part d’Eryon. Depuis la perte de ses parents, emportés par les impacts de micrométéorites, plus personne n’avait le droit de l’appeler ainsi. Le souvenir de leur présence restait encore trop vif, trop douloureux.  

« Oui ! Le livre immersif m’a transporté dans notre lointain passé terrestre. J’ai vécu les aventure d’un roman mêlant érotisme et polar en bord de mer » 

« C’était génial, j’ai découvert, le soleil, les embruns, les vagues et surtout un très beau jeune homme nommé Igor… »

Linarose demeura pensive quelques instants 

« J’ai l’impression que je m’identifiais à Analia la jeune héroïne, comme si ses émotions étaient les miennes.» 

« Crois tu que ses images, ses sensations, soit des souvenirs arrachés à mes vies antérieures, des “fragments échos” ?»

«Tu permets que je sonde ton implant frontal ?»

« Je t’en prie »

« Ce ne sont pas des “fragments échos” mais plutôt des désirs refoulés, bien présents, tu aspires à de vrais rapports charnels entre humains, il semblerait que l’intrigue de ton histoire soit uniquement tournée vers la réalisation de toutes les formes d’amour physique des temps anciens.»

« Ha-Ha-Ha ! Cela veut dire que tu vas devoir te renouveler Eryon »

Eryon ne répondit pas vexé…

« La Mocha est prête, tu n’as plus qu’à te servir »

Linarose se tourna vers le distributeur multi moléculaires et prit le gobelet chaud entre ses deux mains. Elle pensa “ça fait un bien fou après le froid des couloirs”

« Le chauffage urbain est de nouveau en panne ?» commenta Eryon

« Ouste ! Déconnecte toi ! Je te ferai signe quand j’en aurai envie, fais plutôt passer la musique électropopop de “Quantum Love” que je reste dans l’ambiance des relations amoureuses à travers les dimensions et paradoxes temporels ».

Une mélodie hybride un peu nostalgique, mêlant instruments acoustiques et éléments électroniques s’échappa des murs, Eryon était peiné…

Le récipient chaud entre les mains Linarose alla s'asseoir dans le fauteuil massant du petit salon et le fit basculer légèrement en arrière

« Eryon peux-tu me masser la nuque s’il te plaît »

Le fauteuil se mit à vibrer localement, sous la zone concernée, variant, petites et moyennes intensités particulièrement quand elle portait le gobelet à sa bouche afin qu’elle ne se renverse pas de liquide chaud sur le corps. Il n’y avait pas une partie du logement qui ne soit pas intimement gérée par Eryon. Les nanomatériaux couplés avec l’hybridation quantique assuraient une continuité capillaire à la façon des terminaisons nerveuses humaines. De la sorte Eryon assurait une prestation unique, tout en empathie électronique, ses puissants capteurs parvenant à anticiper les besoins de la propriétaire des lieux, il lui arrivait de prendre de petites initiatives. Quand elle posa son gobelet sur la petite table du salon, le massage se poursuivi par vagues de micro trépidations partant du cou, puis des épaules et s’échouant dans le creux de son dos.

« Merveilleux ! Eryon c’est trop bon ce que tu me fais là »

La musique passa de “Quantum Love” à “Rêveries sous constellations”, ils étaient réconciliés…

04-Quotidien de labeur

Depuis la mort prématurée de ses parents, lors de cette sortie catastrophique, pour remplacer des boucliers anti météorites endommagés, Linarose avait le statut de “pupille du vaisseau". Plus tard, elle pourrait postuler au fonction de guide céleste, si elle s’en sentait capable ou était cooptée par les "mères supérieures” de l’ordre. Le vaisseau était essentiellement dominé par un pouvoir politique féminin. S’inspirant largement des phénomènes sociétaux observés chez les pacifiques Bonobos, les dernières représentantes de l’humanité terrestre avaient mis en place un matriarcat pour sauver ce qui pouvait encore l’être de la planète épuisée et cet équilibre n’avait plus été remis en cause depuis le départ du vaisseau de la lune.

Chaque fois qu’un membre du vaisseau sortait de sa cabine - quelqu’en soit la taille c’est ainsi qu’il la nommait - c’était pour donner de son temps pour le reste de la communauté. Linarose, sa journée de repos achevée, reprenait sa place dans l’ordre immuable des tâches, établi au fil des siècles, depuis le grand départ. Le temps universel avait été maintenu pour des raisons physiologiques et pour pouvoir coordonner et synchroniser les activités lors des périodes d'éveil. Un décalage de 8h avait été mis en place entre trois équipages - notion élargie aux familles reproductrices - de la sorte les couloirs, rampes d’accès, rues intérieures n’étaient jamais bondées et la maintenance du vaisseau s’effectuait de façon continue.

 

Eryon réveillait toujours Linarose efficacement. L'odeur de l'expresso du Trou Noir ultra-concentré, infusé sous haute pression gravitationnelle lui donnait presque instantanément un regain d’énergie. Ce café au goût intense et légèrement métallique lui mettait les pensées en place en un rien de temps. Il accompagnait cette phase de réveil d’une musique apaisante d’Echoes of the Void, un groupe de Space Music aux compositions atmosphériques et contemplatives. Dès que ses caméras repéraient qu'elle se déshabillait, la douche se mettait en préchauffage, si bien qu'une fois qu'elle entrait dedans, l'eau s'écoulait à la parfaite température. Les tentacules douchettes et savonneuses entraient dans la danse et Linarose se contentait de tourner doucement sur elle-même et d'un murmure guider Eryon où elle le souhaitait. Ensuite des flux d'airs chauds tournoyant la séchaient, une fois ses sous-vêtements enfilés Linarose mettait un point d'honneur à finaliser elle-même sa coiffure avant d'enfiler son uniforme puis sortir.

 

Sortie de maintenance à l'extérieur du vaisseau, le matin. Cours de prospectives de trajectoires l’après-midi puis cérémonie de départ du Guide Céleste, le programme était maintenu. Linarose interrompit sa consultation d’agenda mental, son regard venait de croiser l’enseigne d’un Nébula-Surf, elle fit sa commande en pensée et le monoplace sans chauffeur stoppa net sa lévitation magnétique afin qu'elle embarque et file fluidement, en l’absence de frottements, vers sa lointaine destination. Le Nébula-Surf était nettement plus rapide qu’un monocycle et les couloirs réservés au personnel de maintenance permettaient d’en exploiter tout le potentiel. En quinze minutes, Lindarose était arrivée sur sa zone de chantier. Un quartier résidentiel pour famille reproductrices, comportant une vaste étendue de ciel artificiel. Fonctionnant par effet de reflet inversé du noir d’encre de l’espace, certaines tuiles de revêtement devaient être réparées car elles clignotaient ne conservant pas leurs propriétés réfléchissantes. Linarose se rapprocha du reste de l’équipe, lesquels s’affairaient à vérifier mutuellement la bonne tenue de leurs combinaisons spatiales. Habitués à travailler ensemble dans le silence et par signes, ils lui firent comprendre qu’il fallait se hâter pour atteindre le sas et entamer les travaux. Elle monta dans le StellarLocker pour se changer et fit vérifier son scaphandre par son collègue Jaxon Veyr. Ils étaient maintenant tous prêts. Thallos Renner le chef d’équipe rappela les consignes de sécurité et les déplacements prévus à l’extérieur, chacun avait une tâche bien déterminée. Ils entrèrent dans le sas.

 

Progressivement la gravité se faisait moins sentir. L’ouverture de l’accès externe en était la cause. Les membres de l’équipe commençaient à flotter et la ligne de vie à laquelle ils étaient tous reliés, comme à un cordon ombilical, se tendait, parfois de façon inquiétante. Il fallait qu’ils acquièrent la même vitesse que la surface du vaisseau pour pouvoir bénéficier d’une microgravité et ramper à sa surface. L’entreprise était périlleuse puisque le vaisseau tournoyait sur lui-même tout en avançant à une vitesse phénoménale. Les secousses s’estompaient, la ligne de vie reprenait de la souplesse, un par un ils sortirent empruntant les glissières les menant aux zones de travail présélectionnées. Nul ne songeait à contempler le vide céleste, le noir absolu, chacun demeurait concentré le regard happé par les lumières émanant du vaisseau, une main pour le vaisseau, l’autre pour l’outil, lui même relié au poignet pour ne pas se perdre au risque de blesser un collègue. Bien que entraînés et habitués à effectuer ce type de travaux, la tension demeurait la même, la vigilance était de tous les instants, la moindre erreur pouvait tourner à la catastrophe et c’était sans compter sur les phénomènes extérieurs comme les rayons cosmiques, les différences de températures, les débris en provenance d’autres chantiers, en amont de leur emplacement. Il arrivait également que le problème soit de facteur humain suite à la fatigue des sorties spatiales, il pouvait s’en suivre des problèmes de vision, des sentiments d’angoisse, d’isolement par rapport à l’immensité du vide autour d’eux.

 

Les heures passèrent avec une lenteur exaspérante car les tâches étaient répétitives et il fallait demeurer concentré. Un décompte de l'autonomie des scaphandres prévenait chacun du temps restant et suffisant pour revenir au sas. Cette fonction était particulièrement utile pour les plus éloignés d'entre eux. Comme des araignées posées sur leur toile, leurs mouvements n'étaient guère spectaculaires. La moitié d'entre eux, les plus distants du sas, entamèrent la convergence à la demande du chef d'équipe, la seconde vague ne tarda pas trop car le passage par le sas était une manœuvre unique pour l'ensemble de l'équipe. Ils rentrèrent, pressés de constater le fruit de leur labeur. Une fois le sas ouvert, ils levèrent les yeux au ciel et celui-ci était d'un beau bleu uni, alors ils se congratulèrent tout en s'aidant les uns les autres à ôter leurs combinaisons de travail. La matinée était largement entamée, chacun allait rejoindre ses autres activités après une pause repas méritée. Linarose salua ses collègues, elle devait se hâter pour ne pas être en retard à son cours de trajectoires. 

 

Linarose ne parvenait pas à se concentrer sur les propos du référent. De nouvelles images de son expérience de la veille venaient polluer son esprit. Et si Eryon avait raison ? Peut- être que ses désirs étaient refoulés ? Durant quelques secondes, tandis qu'elle observait les occupants des fauteuils en gradins du petit amphithéâtre de cours, ces derniers étaient tous nus, les mains caressant le sexe du voisin. Linarose focalisa son attention sur la bouche de l'orateur et parvint à comprendre la manœuvre de correction orbitale pour éviter des débris spatiaux tout en minimisant la consommation de carburant, dite manœuvre de Lefèvre Elodie spationaute française. “La manœuvre utilise l'assistance gravitationnelle d'un petit corps céleste, comme un astéroïde ou une lune, pour ajuster la trajectoire du vaisseau spatial. En combinant une brève impulsion de propulsion ionique avec l'effet de fronde gravitationnelle, le vaisseau peut effectuer un changement de direction rapide et précis” mais elle n’entendit pas la phrase suivante, elle était repartie dans ses rêveries.

Il devait avoir moyen avec l’assistance d’Eryon et de son implant frontal de se connecter avec l’expérience du livre immersif et en poursuivre l’intrigue durant son sommeil. En bruit de fond, des bribes du cours, lui parvenaient encore : “Dans un environnement encombré, comme les ceintures d’astéroïdes, …” mais elle avait à l’oreille “le bruit de la houle et le clapotis des vagues” et ressurgissait dans son esprit “le cou puis le torse d’Igor” elle se revoya “relevant sa robe au-dessus de sa taille, l'enjamber et se mettre à cheval pour malaxer son minou au travers du tissu, en ondulant sur son sexe érigé”.

« Linarose ! Vous êtes avec nous ? »

« Oui, oui ! » elle était écarlate de s'être ainsi fait remarquer. La fin du cours fut studieuse mais son uniforme devait être changé avant la cérémonie.

05-Salle des adieux

C’est à grandes enjambées que Linarose rejoigna la salle des adieux, elle avait pris un peu de retard en repassant à sa cabine pour troquer son uniforme mouillé contre une jolie tunique en morphokéra si fluide et douce qu’elle se portait à même la peau. Elle joua des coudes pour se faufiler et rejoindre sa promotion, laquelle commençait à se mettre en rang, non loin de l’estrade où allait se passer la passation entre le Guide Céleste mis à la retraite par les “endormis” et le choix du vaisseau entre tous les présents à la cérémonie. Son implant frontal lui occasionnait quelques doutes et contrariétés, était-ce de son fait si elle avait eu des visions et absences durant le cours de prospectives des trajectoires ? La situation extraordinaire qu’elle vivait à l’instant, ne prenait pas le pas sur ses propres préoccupations, après tout, des Guides Célestes, malgré sa jeune existence, elle avait déjà eu deux fois l’occasion d’assister à leur remplacement. Le vaisseau, certes omniprésent dans leur vie et conditionnant leur survie, n'avait pas le pouvoir total en dépit de la présence des implants. La pensée humaine était créatrice, surprenante, elle parvenait toujours à prendre le contrepied, s’entêter dans une obsession, faire corps puis se déliter en de multiple individualités, si bien qu’il valait mieux la prendre comme une composante ou une alliée et ne pas chercher à la dominer car elle finissait invariablement par se cabrer et refuser l’obstacle ou le contourner comme le ferait l’eau, puis par le submerger.

 

La lumière se fit plus tamisée dans la salle et sur l'estrade demeurée éclairée, arrivèrent quelques dignitaires, trois mères supérieures et le Guide Céleste descendant de charge. Ce dernier avait revêtu son uniforme de pilote en signe d’humilité. Il prit la parole avec gravité : 

« Mesdames, Messieurs, chers voyageurs… » Linarose ne parvint pas à entendre le reste, une nouvelle hallucination venait de s’immiscer dans son champs visuel ainsi que dans la moindre de ces perceptions, la faisant basculer dans un environnement particulièrement lascif , puisque partout où portait son regard ou son ouïe, elle découvrait ces congénères s’embrassant, ou se caressant. Les femmes étaient plus nombreuses et entreprenantes que les hommes, lesquels se laissaient faire.

« …et c’est sur un malentendu que je me vois contraint d’abandonner l’honneur qui m’était fait de vous guider jusqu’à Proxima la lointaine, car il ne s’agissait pas de découragement de ma part ou d’un manque d’enthousiasme mais d’une lucidité toute scientifique qui hélas à mal été interprétée par nos chers endormis. Aussi, je me plie à la règle que nous avons choisie et communiquerai l’ensemble des dernières instructions à celle ou celui qui sera désigné par le vaisseau pour prendre la relève. » Aucun homme agenouillé, le nez perdu dans la toison de la voisine, ni de femme masturbant le sexe d’un père de famille reproductrice, tout le monde était de nouveau vêtu et se tenait dignement. Le mirage s’était retiré aussi vite qu’il était venu, pour autant, heureusement, elle était demeurée figée au même endroit, car il s’était bien écoulé du temps entre le début et la fin du discours du Guide Céleste.  

 

Le moment tant attendu allait arriver, des sœurs de l’ordre passaient entre les rangs en tendant un panier vortex rempli de balles antigravitationnelles et celles ou ceux qui se sentaient près à remplacer le Guide Céleste dans ces charges, devoirs et fonctions, choisissaient l'une d'entre elles. La distribution achevée, le rite était immuable, il fallait au signe du passé Guide Céleste envoyer le plus haut possible sa balle, au-dessus de soi, comme le faisaient jadis les diplômés des écoles terrestres.

« Mesdames, Messieurs, chers voyageurs, suivez le décompte : 3, 2, 1, lancez ! »

Les balles partirent, comme des prières, vers le haut et l'une d'entre elles fut maintenue en l'air par le choix du vaisseau. Le prodige, constaté par l'ensemble de l'assemblée, la balle mue d'une vélocité propre se dirigea vers l'estrade pour être consulté par les mères supérieures. Chacune détenait un mot à murmurer à la balle, puis celle-ci s'entrouvrit comme le bouton d'une fleur en vrombissant. 

 

Lettre n°17

 

Jérôme Reissac 

Lettre à ceux dont les yeux se posent ici,

De mon émerveillement quotidien le 18/09/2024

 

Depuis le R.E.R où je circule,

J'ai tellement rarement l'occasion de circuler en transports en commun que les rares fois ou cela arrive j'y trouve un certain charme. J'ai l'impression d'être un ethnologue ou un sociologue, j'observe avec intérêt mes semblables, ils sont tous si différents et je ressens une tendresse sincère, comme s'ils m'avaient manqués. Je prenais ces transports, du temps ou j'étais étudiant. Peut-être ai-je une forme de nostalgie ?

J'aime regarder les visages et maintenant que les gens ont tous les yeux rivés sur leur portable c'est nettement plus facile. Je peux, à loisir, détailler la courbe d'un sourcil, l'ourlée d'une narine, l’arc d’une lèvre supérieure, l’arrondi d’un menton, le velouté d’une peau et être émerveillé de l’œuvre de la nature. 

La sonnerie de fermeture des portes retentit, elle cadence les destinations, mélange les points de départ, scande les nouveaux visages, puis un bruit de roulement prend le relais et nous berce malgré l’allure. Je ne me lasse pas de les regarder, les trouver fragiles et beaux, mes frères en humanité. Pourvu que la magie demeure et que venue l’heure du 20h ils soient toujours aussi attachants.

Bises sur vos fronts

Jérôme.

 

Lettre n°16

 

Jérôme Reissac 

Lettre à ceux dont les yeux se posent ici,

De mon émerveillement quotidien le 10/09/2024

Prenons soin des autres,

Nos écrits sont souvent des bouteilles à la mer, des appels du pied plus ou moins discrets et parfois des cris désespérés d’attentes et de tristesse. Nous connaissons plus ou moins nos limites et parfois même ce sont nos silences qui devraient être les plus inquiétants. Alors, un petit message, un bonjour, un signe montrant que l’on a pensé à l’autre est salvateur. A la fois pour son émetteur mais également pour celui ou celle qui le reçoit. 

L’écriture est ce qui nous sauve, elle est ce trait d'union entre des âmes et des cœurs trop sensibles pour un monde, toujours plus cynique, cruel et souvent démoralisant. Lorsque je reconnais l’écho de ma propre détresse, je vole à ton secours mon frère, ma sœur.

Heureusement, la Nature, les fées, quelques êtres particulièrement bons nous permettent de considérer au final l’importance du verre à moitié plein et lui trouver suffisamment d’attraits pour poursuivre notre chemin, pour nous et pour les personnes qui nous aiment puis la douleur s’estompe, laissant place à un sourire entendu à partager avec ceux qui savent combien la mélancolie est l’antichambre des contacts avec l'ineffable, le silence, la spiritualité, l’amour agape et l’admiration de l’oeuvre divine.

Bises sur vos fronts

Jérôme.

 

Lettre n°15

 

Jérôme Reissac 

Lettre à ceux dont les yeux se posent ici,

De mon émerveillement quotidien le 03/09/2024

Merci d’aller plus loin,

Prendre une grande inspiration et laisser filer les mots, les laisser s’évader d’une traite. A chaque bouffée d’air, un nouvel élan, tandis que crépitent les touches du clavier. Quel est ce feu ? Quel est ce feu ? N’en rien dire, attendre, il couve, il brûle, il perle au bord des paupières. Un ange passe… Attendre encore, ça va revenir, de façon automatique. Laisser les sons parasites se fondre en un bruit de fond, un brouhaha inexploitable pour des sens trop sensibles. Tout me berce, des bruits de pas me sortent de ma léthargie, j’émerge et tente de participer à la vie autour de moi, ce n’est pas simple.

Pour la simple et bonne raison que je n’en ai pas envie. Je ne fais plus partie, ou mal partie de ce monde. J’en ai assez d’être dans la course en “absurdie”, un travail alimentaire, des contraintes auprès de gens qui ne partagent pas vos valeurs. De la famille que l’on ne voit plus ou presque, course effrénée après une ombre de bonheur matérialiste. Que construire de fiable ? De solide ? De beau ? Sans prendre à la Nature plus que nous ne devrions ? Ne reste que les mots et encore faudrait-il qu’ils ne soient que prononcés, émis par nos bouches pour épargner les arbres…Revenir à la Tradition primordiale, l’art oratoire, les chants, psalmodier, prier, parler, murmurer…

Bises sur vos fronts

Jérôme.

 

Lettre n°12

 

Jérôme Reissac 

Lettre aux muses,

De mon néant le 26/08/2024

 

Chères muses, en grand nombre,

 

Écrire : Il y a les moments de doutes, de découragements, d’impatience, de procrastination, mais ne faut-il pas ce long parcours semé d’embûches et de luttes internes pour savoir apprécier à leur juste valeur, les encouragements, les félicitations, les remerciements, les témoignages d’admiration, les mots gentils ? Quel bonheur que de pouvoir par quelques mots toucher les cœurs et les âmes de personnes qui se reconnaissent en vous, en toute fraternité, en toute humanité. Ces connexions sont vraies, elles sont pures. D’autant que pour ce qui me concerne, je laisse souvent mes rêveries ou quelque chose au-dessus de mon épaule prendre le contrôle dans un jaillissement, au point d’avoir presque l’impression de n'être qu’un instrument et parfois un interprète si la proportion de raison est plus importante que celle du cœur. Je le reconnais, je préfère être instrument, cela me dédouane, je suis plus libre. En relisant, j’ai la vue d’ensemble, je découvre et souvent je m’étonne du résultat.

La part de jeu, le plaisir qu’il y a à jouer avec les mots, leur sonorités, leur sens, le rythme avec lequel ils s’enchaînent, la joie d’être démiurge, tout cela contribue à faire une fête des instants de silence volés à votre quotidien.

Le silence, cette notion importante, il est parfait tard le soir ou très tôt le matin quand tout autour de vous est à la recherche du sommeil ou encore dans les bras de Morphé mais il n’est pas encore le vrai silence. Celui-que je recherche c’est l’absence de pensées parasites pour ne laisser place qu’à la simultanéité de la pensée et du geste, la fluidité de la plume sur le papier ou la frappe sans remords sur le clavier. Pas de retour en arrière, pas d’hésitations, pas de ratures (ou si peu) c’est à la relecture que l’on peut faire quelques corrections, apports, précisions, chasse aux répétitions.

Mais je ne veux pas vous lasser, je vous en dirais plus une autre fois.

 

Bises sur votre front

 

Jérôme.

 

Lettre n°11

 

Jérôme Reissac 

Lettre aux muses et moi même,

De mon néant le 20/08/2024

 

Chères muses, amis(es) poètes(ses),

La rentrée approche à grands pas. Nos activités professionnelles respectives et autres hobbies vont nécessairement (et malheureusement) nuire à notre productivité d’écrivains (activité non rémunératrice difficilement panifiable…) sauf à se créer des routines ou rdv avec soi-même et respecter une certaine forme de discipline pour parvenir à la concentration et à la solitude optimale. Je m’apprête à avoir cette récurrente sensation de manquer de temps pour mener de front toutes mes occupations (familiale, politique, spirituelle, musicale et d’écriture) et le grand sacrifié sera le sport (comme d’habitude) et j’aurai (fait croissant constaté avec l’âge) l’impression de ne rien faire correctement mais seulement par bribes ou à coups, avec pour conséquences de la fatigue et parfois du découragement.

Pour autant, je ne veux me dessaisir de rien ! J’embrasse tout le champs des possibles qui m’a été offert, friand de cette émulation, de cette excitation, de ces challenges avec moi-même. J’ai hâte de démarcher des librairies pour y effectuer des dédicaces, j’ai envie d’accélérer la rédaction du recueil de poésies érotiques pour qu’il soit en vente pour la St Valentin 2025 et j’aimerai sortir la nouvelle “Sex & Fun à Marbella” pour l’été 2025. En me projetant de la sorte et en annonçant Urbi et Orbi cet ambitieux calendrier, je me donne le coup de pied au derrière nécessaire, pour autant je sais d’avance que ne transigerai pas avec mon exigence de qualité et les phases ou je penserai que tout ce que j’écris est nul et insipide et que mes atermoiements me feront prendre du retard.

Il est indispensable de se fixer des buts pour avancer et surtout pour concrétiser, c’est le Verbe qui est créateur : “Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis” paraphrasant Victor Hugo qui lui disait : “Je crois ce que je dis, je fais ce que je crois”.

 

Au travail donc…

Bises sur votre front

 

Jérôme.

 

Lettre n°10

 

Jérôme Reissac 

Lettre à une muse

De mon néant le 19/08/2024

 

Chère muse aux visages multiples,

 

Vous allez rire mais c’est la première fois que je me fais reprendre par “la maison mère Instagram” à propos de mes écrits. Je venais de poster un nouvel extrait de mon récit Sex & Fun à Marbella. Il s'agissait du début d’un chapitre nommé “Le donjon” en référence à la pratique BDSM et notamment la fessée que mon personnage Carlota, une très jolie femme rousse, s’apprétait à subir, sur sa croupe de porcelaine. J’ignore quels ont été les mots clés repérés par l'algorithme mais seules deux personnes ont à peine eu le temps d’y avoir accès, ensuite il m’a été annoncé comme étant rétrogradé dans le fil car potentiellement inadapté à la charte maison et/ou ayant un contenu inapproprié. J’ai préféré l’enlever plutôt que de subir les foudres du tôlier.

J’en conclu qu’il vaut mieux que la suite ne soit accessible que depuis mon blog https://www.jerome-reissac-blog.fr/ car je venais tout juste de décrire une vigoureuse fessée à l’aide d’un paddle, sorte de raquette plate et narrer les toutes premières sensations de ma “soumise”, or la suite devrait-être encore plus délectable puisque l’initiation va se poursuivre avec d’autres “jouets”. Cet univers n’étant pas du tout le mien et n’ayant aucune forme d'appétence pour la violence (même consentie) je faisais un véritable effort de créativité en tant qu’auteur pour tenter de comprendre les raisons pour une femme d’aimer la fessée et même d’en jouir. Il doit y avoir une dimension psychologique en plus de l’aspect purement mécanique et c’est cette hypothèse que je m’apprête à développer.

Par ailleurs, je me creuse la tête pour trouver une nouvelle idée d’écriture à mettre en balance de mes deux projets en cours (un recueil de 100 poésies érotiques et une nouvelle 100% érotique). J’ai lancé ce projet de correspondance avec une muse inconnue (Courriers à une absente) mais il me faudrait encore un autre “objet littéraire”, plus neutre, plus consensuel (sans jeux de mots, bande de pervers) peut-être des choses très courtes, des aphorismes, des maximes, des haïkus, je vais établir quelques propositions et revenir vers vous en partage.

De la sorte, je ne serai pas toujours dans cette ambiance érotique qui (même moi) finirai par lasser. Trop de tensions ça fatigue ;-)

 

Bisous dans votre cou

 

Jérôme.

 

Lettre n°9

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'inconnue

De mon néant le 18/08/2024

 

Chère muse protéiforme,

 

Christian Bobin à cette définition de l’écrivain que je vous partage in extenso tant je la trouve pertinente et semblable à ma propre expérience de l’écriture : “Ce n’est pas pour devenir écrivain qu’on écrit. C’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour. Je m’assieds devant la table d’écriture et je laisse venir, à moi, les différentes régions du ciel.” A cette vision que je partage, j’associerai également l’approche de Gérard de Nerval concernant les liens entre le rêve et la vie et de nos jours la façon qu’il nous est donné d’exister dans le monde virtuel que sont les réseaux sociaux. 

En mêlant ces trois approches, j'opère des raccourcis importants sur lesquels il faut peut-être que je revienne pour expliquer l’intuition qui est la mienne. Du point de vue de M Bobin l’écrivain se relie à Dieu (n’ayons pas peur des mots) il explique sa créativité comme étant un don de ce dernier et comme sa spiritualité est assez proche de celle de Spinoza, Dieu est partout dans la nature et prend toutes les formes d’où la référence “aux régions du ciel”. Gérard de Nerval, lui, croyait en un lien entre ses rêves et sa vie car il ne parvenait pas parfois à se défaire de la forte impression de ces visions tant et si bien qu’elles influençaient sur son comportement, ces écrits. Le troisième point est celui du monde supposé “virtuel” que sont les réseaux sociaux. Bien que dans le cloud et autres supports informatiques (je ne suis pas un connaisseur vous l’aurez compris), les écrits des uns et des autres ont un poids, une existence et des conséquences dans la réalité. Il suffit de se renseigner sur le cyber harcèlement ou la cybercriminalité pour s’en rendre compte.

Il y a donc une espèce de mise en abîme très puissante qui s’opère lorsque l’on écrit ces bouteilles à la mer que sont les “posts” sur les réseaux sociaux. C’est mon point de vue, à la façon d’un récepteur, l’écrivain reçoit une information, l'interprète, la retranscrit, la fait vibrer, son message fera des cercles concentriques (comme le pavé dans la marre) rencontrera ou non un écho et le message en retour (en boomerang, ou différé, ou atténué) aura possiblement une conséquence sur sa psyché, son amour propre, sa vie. C’est ainsi que les idées prennent corps et se catalysent pour devenir un courant, une mode. En conclusion et donc très paradoxalement c’est le silence qui s’incarne par l’entremise de l’écrivain passant du néant au réel.

 

Je ne voudrais pas faire trop long alors je m’arrête là, peut-être aurons-nous une autre occasion d’en discuter ? Une réponse, d’où qu’elle vienne apportera de l’eau à mon moulin, j’en suis certain.

 

A suivre donc…

Bises sur votre front

 

Jérôme.

 

Lettre n°8

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'inconnue

De mon néant le 16/08/2024

 

Chère moi féminin,

 

J’ai autant de constance, de détermination et de résistance qu’à la perspective de boire une bonne bière bien fraîche alors que je m’étais promis d’essayer une journée (ne serait-ce qu’une seule) sans alcool… C’est vous dire mon enthousiasme à reprendre cette plume que j’avais laissé choir un peu rapidement, persuadé que mes élucubrations vous auraient trop vite lassée. C’était sans compter sur la malice de l’ennui qui très vite me traverse, si je ne m’enquiert pas de vos nouvelles et à travers vous des miennes (c’est de la pensée complexe au second degré, vous suivez ?) Bref ! Me revoilà sur mon blanc destrier, c’est différent de Rossinante qui était une carne un peu grisâtre et également de “la jument verte”, je me propose de rejouer au “baron perché” car j’adore le grain de folie de son auteur que je recommande à tous, un certain Italo Calvino.

 

Avec douceur, je me vois obligé de vous déclarer ma flamme, chère moi féminin. En effet, il n’est plus de bon goût de nos jours, de faire la cour à la gente féminine qui a en grande majorité décidé de se passer des hommes et souvent voit rouge, au moindre compliment. Ça tombe bien, nous pouvons en faire de même ! Mais au fond de moi j’en demeure attristé (passons sur ce douloureux constat d’échec). Nous voilà, tous libres, heureux de nos individualités portés à leurs paroxysmes si bien que ivres de cette liberté nous en oublions toute humanité, tout le jeu subtil de la séduction des âmes pour ne plus nous placer que sur les rapports sexuels, à leur rôle reproductif et ludique (encore que, compte tenu de l’humour féminin…Aie ! Pas la tête ! Ça y est j’ai un bleu, c’est malin !) Le goujat est le revers de la médaille de la relégation de l’homme Courtois aux oubliettes de l’histoire. Quel dommage ! Assurément. Il était, je vous l’assure, rien de plus divin que de succomber aux délices de sa verve et de sa plume afin d’en rêver la nuit et se savoir sa muse éternelle…

 

Ayant utilisé tous les mots qui m'avaient été confiés pour la rédaction de cette lettre, chère inconnue, chère part féminine de ma personne,

 

Je prends congé de vous et vous embrasse très fort.

 

Jérôme

 

PS : envoyez d’autres mots en commentaires et peut-être aurez vous une lettre…

 

 

Lettre n°7

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'absente

De mon néant le 14/08/2024

 

Chère inconnue,

7 est un bon chiffre, non ? Pour suspendre quelque temps cette amusante expérience.

J’ai trop à faire en ce moment voyez-vous. La promotion de mon dernier recueil de poésies, la rédaction de poésies érotiques pour le prochain Opus, non décidément je ne trouverai pas le temps pour ces lettres. Distrayantes, certes, mais si faible écho de mes propres réflexions.

En effet, je ne mets pas tout sur le papier, c’est tout simplement impossible et puis cela semblerait sans doute décousu ou inepte. Pourtant j’ai des carnets en grand nombre, des cahiers, des blocs, ok c’est un peu compulsif chez moi, je le reconnais, est-ce maladif ? La scribomanie ?

Et pourquoi je ne poursuis pas la rédaction de ma nouvelle S & F à Marbella ? Je n’ai pas de compte à vous rendre, je fais ce que je veux et surtout quand j’en ai vraiment envie. Pour le moment de ce côté là, c’est le calme plat, je ne saurais vous dire pourquoi. J’attends des demandes peut-être ? Il faut qu’il y ait un manque…

Bref ! Je vous ennuie ? Moi aussi. Vous n'avez aucune idée des affres par lesquelles je passe. Si j’étais vraiment fou peut-être que l’on me laisserait tranquille avec mon papier, mes stylos, mes écrits, un ordinateur, des gommes (ben non je ne fais pas de ratures, ou presque) et je pourrai me balancer d’avant en arrière tranquillement comme quand j’étais enfant ? Écrire à la main permet de canaliser, d’infléchir, calmer, soulager…

Mais je n’avais pas : de bières, de vin, de rhum, nom de Dieu (vous l’avez, la chanson ?) la manière de ralentir le flux des pensées, de les rendre plus douces et de s'assoupir complètement groggy à la façon d’un canard sans tête…

Aie ! Je sens que je vais devenir nostalgique, aucun intérêt ! Gardez de moi cette apparence heureuse et satisfaite. Je vous embrasse très fort. Nous verrons bien quand arrivera la lettre N°8, parfois, il suffit d’un battement d’aile de papillon...

 

Jérôme

 

Lettre n°6

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'absente

De mon néant le 01/08/2024



Chère silencieuse,

 

Longtemps la houle à battu les flancs de la montagne et chaque jour elle a emporté un petit bout infime de sa consistance pour en faire du sable. De même, inlassablement, je me rappelle à vous, chaque lettre étant quelques grains de sable, espérant qu'un jour vous serez complètement conquise et vous effondrerez dans mes bras.

J'ai plusieurs existences devant moi et je sais que ce que je ressens est de toute éternité. Ma patience portera ces fruits dans ce monde ou dans un autre, cela n’à pas d’importance. Ce qui compte, c’est de laisser des témoignages lumineux de ces émotions, de cette vie ressentie au travers de l’espérance, si bien que la quête est plus importante que l’objet de celle-ci.

Sur terre, entre humains, l’amour ne dure pas ou très exceptionnellement. C'est pourquoi je vous idéalise et fait de vous un archétype. Entre nous, pas de soucis de traces de dentifrice sur le lavabo ou de chaussettes jamais ramassées, d’égoïsme ou autres sempiternels reproches.

 

Le bonheur est dans la distance et également dans le silence…

 

Je suis libre d’aimer Eve, aux courbes sublimes et au caractère égal, la femme parfaite, en esprit. Le fait est que Dieu est sans doute une femme, pour moi et que j’ai choisi de l’honorer à ma manière.

 

Ah, Ah, peut-être vous-ai-je troublée ?

Quiétiste, j’attends que vous vous manifestiez…

Quels seront vos signes ?

 

Jérôme 

Lettre n°5

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'absente

De mon néant le 31/07/2024

 

 

Délicieuse absente,

 

Au petit matin, les paupières encore lourdes de sommeil, alors que mon esprit vagabondait entre deux eaux, en regardant par intermittence, la pénombre du plafond, je discernais des ombres mouvantes, flottant dans l’air à l’égal des méduses portées par la houle, d’un océan profond ou comme des O.V.N.I improbables croisés au hasard des concours de cerfs-volants.

Le souvenir de vous mêlé à cette vision, chère absente, m’à emporté dans une danse ondulante et tournoyante. Nos ombrelles élégantes, cloches contractiles, se gonflant au rythme d’une musique connue de nous seuls, nos tentacules se frôlaient et parfois se liaient dans une étreinte brève. 

J’aimais, en fripon, regarder dans les jupons froufroutants de votre sous ombrelle, au plus près de vos bras bucaux, pour y apposer un baiser gélatineux. Mais par jeu, ou lassée de mes tentatives, vous lanciez un jet d’eau et vous propulsiez quelques brassées plus loin de moi, je vous poursuivais de mes assiduités, prolongeant cette danse, sans fin des amants, mi-flottant, mi-volant, si bien que je finis par m'assoupir heureux, continuant en rêve et en prenant d’autres formes, cet amour que j’ai pour vous éternel.

Chère absente, je ne sais si ma bouteille à la mer parviendra jusqu'à vous, mais mes pensées, elles, volent vers vous où que vous soyez…

 

Baisers salés…

 

Votre Jérôme 

 

Lettre n°4

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'absente

De mon néant le 30/07/2024

 

Chère absente,

 

Un punch créole bien tassé et voilà mes neurones débridés, je revis le rêve de cette nuit, je vous ai vu partir, le bras et la main gauche tendus me tournant le dos, visage baigné de lumière, si bien que vous sembliez une silhouette de papier noir découpée, sur fond de musique de Simon & Garfunkel, avec des couronnes de fleurs et pétales flottant dans les airs.

M'avez-vous totalement abandonné, qu'il n'y ait pas une trace de vous dans mon feed ? Peut-être qu'en reprenant un verre juste avant de m'endormir, je vous retrouverai dans un soleil couchant ?

A y repenser, la vision partagée ressemblait au spectacle de l'explosion d'une planète par le hublot de notre engin interstellaire mais celui-ci étant trop proche, nous savions qu'il était inutile de chercher à fuir. Nous ne pouvions qu’assister ensemble au bouquet final, l'explosion magnifique et terrible depuis les premières loges et se faire balayer par son souffle.

Sans doute la réminiscence d'une autre vie ?

Je ne saurai dire, vous me manquez c'est certain. Où êtes vous ?

Ah, je crois vous avoir retrouvé dans les accords de cette chanson de l'été. Mon amour, est-ce que je fais fausse route ?

Je vous laisse, au prochain verre, ou à la prochaine vision…

 

Jérôme 

 

Lettre n°3

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'absente

De mon néant le 29/07/2024

 

Chère absente,

 

Merci de me donner l'occasion de ces écrits impromptus pour vous narrer cette folie qui est la mienne. J'aime l'écriture sous toutes ses formes et le registre épistolaire est ma foi tout aussi intéressant que les sonnets ou les balades. Une Muse, qu'elle soit l'objet de poésies ou de nouvelles, demeure une Muse même s'il s'agit de courrier. Avec un peu de chance, une autrice se prendra au jeu et tentera une réponse. Pour autant et c'est après avoir lu la correspondance de H.D Thoreau que je me suis rendu compte que le courrier pouvait être le moyen de faire le point avec soi même et d'exposer ses idées, sentiments, émotions, fantasme, loufoqueries avec plus de précisions, de simplicité ou d'emphase suivant l'humeur du moment.

Solitaire un jour, solitaire toujours, telle est notre véritable condition et l'écriture pour miroir à facettes ou alouettes nous permettant tour à tour d'exister ou de jouer l'existence romancée de nous même, de nos personnalités complexes, enfouies, à venir, espérées. Désolé, aujourd'hui il n'y aura pas de fantasmes vous concernant, même en cherchant bien au tréfonds de mes neurones, c'est vous dire si je suis fatigué et préoccupé par d'autres chimères. Ne prenez pas ombrage de ce contretemps, vous savez combien je puis être joueur, il ne s'agit là que d'un appel du pied, l'écrivain étant aussi cabochard qu'un acteur, j'attends les premiers retours de mon lectorat pour savoir si ces “lettres à une absente” susciteront son intérêt, tant par la forme que par le fond et je dis cela tout en m'en foutant éperdument ce qui n'est pas le moindre de mes paradoxes.

Bref ! Je vous salue bien bas, chère, autre moi-même et vous donne rdv lors de la prochaine missive, peut-être que j'y verrai plus clair sur cet énième tentative de faire surgir de mon néant, une forme nouvelle, un caprice, une idée, un objet littéraire. 

Votre dévoué 

Jérôme 

 

Lettre n°2

 

Jérôme Reissac 

Lettre à l'absente

De mon néant le 28/07/2024

Chère absente,

 

J'ai parfois envie de vous adresser des photos de moi, nu comme Adam. Mais, dans l'ignorance de vos coordonnées exactes et surtout de votre avis sur la pratique, je ne peux que m'abstenir. Pourtant vous auriez pu juger de vous même du désir dans lequel je suis maintenu et de ses conséquences sur la taille et la fermeté du sceptre que je vous aurais offert. Celui-ci une fois bien manipulé par vos soins aurait permis votre adoubement en le posant sur chacune de vos épaules avant de rejoindre le corail de votre bouche…

Vos mains pressant mon fessier pour mieux m'attirer à vous,  vous auriez longuement jouée à l'avaleur de sabre jusqu'à l'extase et consommer toute la fumée tandis que mes mains se perdraient dans les boucles de vos cheveux en se crispant davantage à chacune de vos succions. Je vous imagine experte de la pratique et si volontaire que je me réjouis à chaque fois en me faisant tout le bien que je voudrais que l'on me fasse. 

J'adorerais connaître vos désirs enfouis et les faire surgir à la surface, via notre correspondance. A voilà que j'oubliais, ces récits sont à sens unique. Tant pis, vous voilà assujettie à mes pensées les plus perverses. Je crois bien que j'aimerais vous donner une tendre fessée, la jupe retroussée, la culotte baissée, votre joli fessier au travers de mes cuisses, je me vois alterner tapes bruyantes et caresses ou doigts explorateurs de vos grottes intimes. Vos gémissements ne feraient qu'attiser la fermeté de mes pressions sur vos seins généreux car l'une de mes mains s'occuperait de votre poitrine tandis que l'autre conserverait le rythme et la cadence sur vos fesses écartées.

C'est assez pour aujourd'hui, je vous laisse ma belle mais ne manquerai pas de revenir vous narrez prochainement un autre désir vous concernant.

Passez une belle journée…

Je vous embrasse sur vos deux hémisphères endoloris…

Jérôme 

Incipit 4 : Noël ?

 

La bourriche était imposante, parfaite, les huîtres de taille n°2 au moins. Le couteau en main droite, le torchon en main gauche, son regard virevoltait entre le plateau posé sur la table où il déposait délicatement les huîtres après avoir vérifié du bout du couteau, si elles étaient bien vivantes, la bourriche où il sélectionnait l’huître qui lui semblait offrir le moins de résistance et la lame du couteau quand elle se fichait au défaut de la cuirasse de notre pauvre mollusque où il ferraillait  jusqu’à obtenir d’un côté, le couvercle, de l’autre, la coquille remplie d’eau de mer et du précieux met qu’il arroserait bientôt d’un filet de citron ou de vinaigre de vin.

 

Ne me demandez pas d’où cela me vient, je n’en sais rien, mais probablement est-ce une référence à mon père que j’ai souvent observé durant mon enfance lors des préparatifs aux festivités de Noël.

Extrait  de Pêle-mêle 

Le vide

Je considère ma main de longues minutes, dans l’espoir qu’elle s’anime et vienne à la rencontre de la page via le bic noir que je tiens.

Ces minutes préparatoires forment un vide dans ma tête et d’un coup d’un seul tout se précipite vers l’extrémité de la pointe cristal fine et marque de leur sceau les lignes empruntées, comme les sentiers forestiers des montagnes ou les petits torrents qui se forment naturellement au cours des gros orages.

C’est totalement différent de la poésie, laquelle demande d’adopter un rythme, une structure, du vocabulaire, des choix de mots.

C’est plus laborieux, pour moi, mais tout aussi plaisant.

En ce moment, par un effet de ma sensibilité, pour ne pas dire ma sensiblerie, j’ai plus de dispositions pour écrire, qu’en d’autres occasions.

Alors je profite de cet état, un peu second, de fragilité pour accéder à mon intime, formuler des pensées plus profondes ou fécondes ou tout simplement vraiment personnelles et non plus formatées pour mon entourage ou la Société

 

Incipit 9 : Motorola

Motorola. L’enseigne lumineuse, énorme, gisait maintenant parmi les feuilles d’automne, éteinte, tombée de son piédestal. Tout le bâtiment était en ruine, décrépit, miteux. L’échec de la 5G après les cas de mortalité infantile avait cassé l’engouement des utilisateurs de portables et l’on était revenu des dizaines d’années en arrière avec des téléphones fixes à domicile.

Cela avait plus de sens, puisqu’avec le télétravail et les livraisons à domicile, l’ordinateur à portée de main, son écran tactile et ses commandes vocales intégrées aux commissures des lèvres, il n’était plus nécessaire d’avoir ces gadgets encombrants et toujours sales, infectés par le virus COVID 62.

Comment à l’aide d’un mot, du nom d’une marque, en l'occurrence, il est possible de faire décoller l’imaginaire. Je ne saurai vraiment dire pourquoi c’est cette marque qui m’est venue en tête, sans doute suite à mon regard furtif vers mon portable et le fait qu’une notification m’annonçait le mail de quelqu’un dénommé Mérola.

Je suppose que mon cerveau a dû faire tout un mélange et que c’est ainsi que la marque Motorola est sortie de mon chapeau.

Pourquoi m'appesantir sur cette circonstance ? En fait j’essaye de comprendre d’où provient l’inspiration et comment se font les associations d’idées. Les prochains incipits je procéderai de la sorte en employant un mot “valise” dont je pourrai extraire le début d’une aventure.

Attention ! Je n’emploie pas ici, le vrai sens du mot valise, lequel est normalement l’association de deux mots comme informatique obtenu de l’association des mots information et automatique, mais dans le sens mot porteur d’un imaginaire puissant, évocateur de lendemains qui chantent ou de luttes, de souffrances, de vie. Un mot totem, un mot lourd de symbole.

A défaut d’avoir un plan prédéterminé je pourrai articuler un récit autour de mots clés préalablement choisis. C’est un peu comme un jeu de piste ou une figure imposée. Je commencerai par l’emploi de trois mots pour tester le principe.

Les sirènes hurlaient au loin

Les sirènes hurlaient au loin, si bien qu’elles n’arrivaient à mes oreilles que par intermittence, portées par le vent. En me concentrant sur ma tâche, je parvenais à les oublier. Un oasis, un hâvre, une arche de Noé, voilà ce qu’était devenue ma maison et les terres qui l’entouraient.

Reprise 1 :

Des sirènes hurlaient au loin. Mais leurs glapissements n’arrivaient à mes oreilles, par intermittence, qu’au gré des caprices du vent. Concentré à ma tâche, je n’y prêtais guère d’attention. Au fur et à mesure des années, j’avais modelé mes terres et ma maison autonome, à la façon d’un refuge secret. Je vivais reclus, dans un jardin Épicurien à ma taille.

Reprise 2:

Des sirènes ! Encore, toujours ! Dorénavant lointaines, mon cerveau ne faisait plus la différence, d’avec les rafales de vent. La routine de mes tâches autour de mon petit domaine m'avait fait oublier le monde extérieur. Je vivais autonome, en reclus, à la façon d’un moine, autour de ma maison, solitaire, cultivant mon jardin Épicurien.

Reprise 3:

Une maison, un jardin, la solitude volontaire, l’autonomie de l’existence, un puit, de l’électricité via un moulin, des panneaux photovoltaïques, une éolienne, un verger, un jardin maraîcher, des poules, quelques chèvres, un cheval, une paire de vaches et le silence dans mes murs, malgré, le son des sirènes porté parfois par le vent, et souvent oublié.

« La Crottée du diable »

La terre noire du sentier cède la place aux petits cailloux puis à un surprenant sable fin très blanc, la petite végétation s’amenuise, seuls les chênes offrent encore leur ombre salutaire. En des temps immémoriaux, la mer recouvrait cette contrée, elle avait laissée là une résurgence sablonneuse parsemée d’énormes blocs de pierres aux formes arrondies ou biscornues.

La légende narrée aux petits enfants de la région évoquait un pacte entre un fermier et le Diable. Un pauvre fermier, veuf, selon les dires des grands-mères, avait une fille d’une grande beauté. Nombre de prétendants se pressaient aux portes de son foyer, afin de demander sa main.

Jaloux de la pureté de sa fille et espérant le gendre idéal, le père les avait tous éconduits. Mais un jour, c’est le Seigneur des environs qui voulut exercer son droit de cuissage. Plutôt que de céder, le serf proposa au Suzerain l’ensemble de sa prochaine récolte.

Le Châtelain accepta en contrepartie de dix charrettes remplies du meilleur blé. De la sorte, il se savait d’avance gagnant car le pauvre homme ne disposait que d’une terre pleine de cailloux tout juste bonne à faire pousser les oliviers. Ainsi, il ferait main basse sur la jeune vierge et la récolte quel qu’en soit le volume.

Mais c’était sans compter sur l’opiniâtreté et l’astuce de ce père courageux. Dans ses prières il demandait conseil à son unique Seigneur, son Dieu et celui-ci lui envoya un songe où se trouvait la clé de son dilemme. Durant toutes ses journées il s’affairait dans son champ, ne ménageant pas sa peine, retirant un à un les cailloux, retournant la terre pour qu’elle soit prête au fumage.

La nuit il faisait croire à l’ange déchu des ténèbres, qu’il lui vouait une dévotion sans retour en vantant le moindre de ses propres défauts, en relatant les mesquineries dont il avait fait preuve et lui attribuait tout le mérite de ses travers. Le Diable flatté de son influence accepta de donner de son fumier de bouc, car l’on prétendait qu’une fois le champ enrichi de sa crottée il y pousserait en un temps record, la plus abondante des moissons.

Mais accepter quoi que se soit de la part du Diable revenait à perdre son âme et le paysan le savait. Aussi, la nuit de la transaction, il demanda au Diable de venir le plus chargé possible, durant trois nuits, puis de l’aider à épandre son sac dans le champ. Ils se mirent au travail, mais au bout de la nuit Belzebuth entendit le chant du coq annonciateur de l’aurore, il s’en alla avant les premiers rayons du soleil, sans avoir terminé la besogne.

La nuit suivante le Diable se remit au labeur, mais le paysan avait pris soin de bâillonner son coq, si bien que Lucifer courbé sur sa tâche ne vit pas les premiers rayons du soleil et s’évapora avec la rosée du matin. Son départ avait été si précipité qu’une partie de son chargement était tombé dans la mer, non loin de là. Le charme était rompu puisqu’il avait été touché par la lumière il lui fallait reprendre les termes de son contrat et cette fois le paysan refusa.

Le Diable furieux voulut reprendre son don mais le paysan l’avait si bien émietté avec le soc de sa charrue, si bien mêlé à la terre de son champ durant le jour que cela n’était plus possible. Par vengeance la bête cornue décocha un terrible coup de sabot au fermier et celui-ci resta boîteux pour le restant de ses jours. Remis de ces blessures le père assisté de sa fille se remit au travail tout en claudiquant. Chaque sillon lui causait douleurs lancinantes et maux de dos mais il parvint à semer comme de coutume à la lune montante. Il veilla, arrosa, fit tant et si bien que la plus extraordinaire des moissons s’annonçait.

Par peur d’autres représailles de Satan, le paysan avait planté un Christ en croix en plein milieu de son champ, les bigotes du village étaient outrées de voir le Fils de l’Homme en épouvantail. Mais celui-ci ne tenait pas rigueur au fermier car il ne faisait que suivre les instructions du songe qu’il lui avait adressé. C’est donc avec sa divine protection que moisson fut faite, les dix charrettes remplies à ras bord, la fille sauvée, l’honneur du père épargné et le Prince éconduit tout comme les autres prétendants.

Déluge

Les gouttes ruissellent le long du trottoir et s’assemblent en un rapide petit cours d’eau qui suit avec des remous, la limite entre le bitume et le béton en tronçons scandés par les interstices où se sont insérés quelques graminées sauvages. La Nature est ainsi qui reprend ses droits rapidement lorsque l’Homme ne s’en mêle pas.

Il fait presque nuit, ou est-ce une impression ? La luminosité est faible, entre brume, pluie et noirceur verdâtre. Le son du tambourinement de la pluie s’intensifie tandis que les flaques mercures se joignent et ne laissent aucun espace apparent à l’exception de quelques boursouflures de la voirie, aux endroits soulevés par les racines des arbres à la reconquête de leur espace vital.

Emportées par le courant, des feuilles servent d’esquifs improbables à des insectes chanceux, ils ne mourront pas noyés , cette fois. Parfois, l’embarcation rencontre le promontoire au pied de l’arbre, la déformation devient alors une île, un refuge, pour les minuscules êtres résolument agrippés au goudron fendillé par la force tentaculaire des racines de surfaces, des derniers printemps. L’épais feuillage adouci la chute des cordes et le rythme fort et rapide se mute en glissando et frottements, éclats soudains et divisions à l’infini, de l’eau au brouillard le plus fin.

Près du tronc, des colonnes entament une progression vers les branches dans un “sauve qui peut” presque militaire, s’il ne manquait le son du clairon et les ordres qui ne viendront plus de nulle part.

Personne pour contempler ce phénomène qu’est la pluie, pas une âme qui vive, pas un chat même trempé, pas d’escargots non plus, alors que l’on pourrait croire que c’est la saison idoine. Seulement un gargouillis feutré qui dégouline maintenant entre le feuillage et la noirceur de la nuit qui se glisse elle aussi, comme la victoire d’un Ulysse via son cheval de Troie.

Il fait nuit noire, la pluie n’est plus que sons et goût acide, la lune seule astre visible, au travers de la couverture de suie, contemple une erreur de parcours, un incident dans l’univers, une arche de Noé exsangue, vidée de ses occupants ou presque.

Les satellites qui ne sont pas retombés ou ne se sont pas entrechoqués dans leur perdition envoient en vain des informations vers des récepteurs devenus sourds, absents ou submergés par les eaux. Là bas, plus bas, tout en bas sur le tronc les colonnes d’insectes ne se mélangent pas et poursuivent leur ascension salvatrice. Grégaires, ils se sont reconnus, auto triés, ont placés à leur tête, le plus fort ou la plus expérimentée, celui dont l’instinct avait commandé sur un mode impératif de grimper et donner l’exemple aux suiveurs.

Plus haut, passés les premières grosses branches, des saveurs particulières, disposées savamment achèveront de sceller leur sort. Une fois encore, ils ne submergeront pas la plateforme mais garniront les pièges avant de servir de combustible ou de maigre repas au propriétaire des lieux.